Tout savoir sur le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP)
Bien qu’obligatoire depuis 2001 dans le code du travail (Article L4121-1), le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP) fait souvent défaut dans les entreprises françaises. Or l’absence de DUERP peut exposer le chef d’entreprise à “la faute inexcusable de l’employeur” en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Que doit contenir ce DUERP ? Quels sont les bénéfices pour l’employeur à mettre en place un DUERP ? Voici les 2 questions auxquelles nous allons répondre.
Article mis à jour le 06 mai 2020
En 2016, la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) indiquait que seulement 45 % des entreprises françaises disposaient d’un DUERP. Ce chiffre descendait même à 38 % pour les entreprises de moins de 10 salariés. Une étude menée par la Fédération des Acteurs de la Prévention (FAP) révélait, cette même année, que “85 % des entreprises qui disposent d’un DUERP ne savent pas à quoi il sert !”.
Qu’est-ce que le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP) ?
Le DUERP est une obligation légale prévue par l’article L4121-1 du code du travail. En tant qu'employeur, vous devez évaluer les risques qui existent dans votre entreprise en matière de santé et de sécurité de vos salariés. Pour cela, vous devez établir, puis tenir à jour régulièrement, ce document unique. Même si vous pouvez en déléguer la réalisation pratique à un tiers, vous êtes responsable de ce document et de sa mise à jour. Le code du travail prévoit une amende de 1 500 euros en cas d’incapacité à présenter ce document unique actualisé à la demande de l’inspection du travail, et jusqu’à 3 000 euros en cas de récidive.
Que doit contenir le DUERP sur le volet “prévention des risques” ?
Le DUERP est unique dans sa présentation et son contenu : il n’existe aucun modèle déterminé par la réglementation car il doit être le reflet des conditions de travail de chaque entreprise. La seule obligation est qu’il soit disponible en un lieu unique que le support soit papier ou numérique. Il n’est pas obligatoire mais conseillé de le dater.
Toutefois, des informations précises doivent y figurer sur le volet “prévention des risques” :
- la “photographie” des risques présents dans l’entreprise,
- la liste des salariés concernés par chacun de ces risques,
- la liste des actions de prévention mises en place ou restant à mettre en place pour atténuer ou éliminer totalement ces risques,
- l’identité d’un référent sécurité, en priorité un salarié de votre entreprise, avec une bonne connaissance du terrain afin qu’il contribue plus facilement à l’évaluation des risques et au suivi des actions de prévention. L'employeur, quelle que soit la taille et le secteur de son entreprise, doit désigner ce référent en santé et sécurité du travail (SST) formé spécifiquement, et ce depuis le 1er juillet 2012.
Le DUERP est donc un inventaire de tous les dangers existants et éventuels sur le lieu de travail, complété par l’analyse des risques inhérents à ces dangers. Les risques à prendre en compte sont les suivants :
- incendie et explosion,
- chute de hauteur ou de plain-pied,
- bruit,
- éclairage et utilisation d'écran,
- organisation de la sécurité,
- organisation du travail,
- malveillance,
- hygiène,
- ambiances climatiques et thermiques,
- circulations et déplacements de véhicules sur la voie publique ou sur site,
- postures et gestes répétitifs,
- utilisation de certains matériaux, machines et équipements
- risques psychosociaux.
Pour chaque poste ou unité de travail, ces risques sont classés par ordre de priorité selon 3 critères : la gravité, la fréquence et la probabilité de leur survenue.
Voici un exemple de tableau récapitulatif qui peut aider à structurer cet inventaire :
Exemples d'une évaluation des risques | ||||
Tâche | Danger | Risque | Priorité | Mesure |
Livrer un produit à des clients |
Conducteurs travaillant seuls |
Incapacité de demander de l'aide au besoin |
||
Conducteurs travaillant parfois de longues heures |
Fatigue, courtes périodes de repos entre les quarts |
|||
Conducteurs coincés dans une circulation intense |
Augmentation des risques de collision |
|||
Prolongement des heures de travail |
||||
Conducteurs appelés à soulever des charges pour assurer une livraison |
Blessures au dos causées par le levage ou le transport des charges, les extensions excessives |
La brochure éditée par l’INRS : Évaluation des risques professionnels. Questions-réponses sur le document unique (ED 887) répond aux questions les plus courantes. Elle donne également quelques repères pour l’élaboration de ce document.
Que doit contenir le DUERP sur le volet “pénibilité” ?
Depuis janvier 2015, le DUERP intègre un volet “pénibilité” (décret 2014-1158 du 9 octobre 2014).
La pénibilité se caractérise par une exposition du salarié, au-delà de certains seuils, à un ou plusieurs facteur(s) de risques professionnels pouvant laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. L’employeur doit consigner, en annexe de son DUERP, les données collectives sur l’évaluation des expositions individuelles de ses salariés aux facteurs de risques de pénibilité. Lorsqu'un salarié est exposé à des facteurs de risques professionnels au-delà de certains seuils, l'employeur doit établir une déclaration. Le salarié bénéficie alors d'un compte professionnel de prévention (ou C2P) sur lequel il peut accumuler des points. Le nombre de point dépend des facteurs de risques et de l'âge du salarié : Source : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15504
Le compte pénibilité permet d'obtenir des avantages. Les points acquis par le salarié peuvent ainsi être convertis en heures de formation, en réduction du temps de travail ou en trimestre de retraite (pour partir plus tôt).
La pénibilité peut être liée aux rythmes de travail et à un environnement physique agressif. Deux familles de critères de pénibilité ont été définies :
- les facteurs liés au rythme de travail : travail de nuit, travail en équipes alternantes (3x8 par exemple), travail avec répétition d’un même geste à une forte fréquence,
- les facteurs liés à un environnement physique agressif : températures extrêmes, bruit et hyperbare.
L'employeur doit déclarer ses salariés exposés dans le cadre de la déclaration sociale nominative (DSN). La déclaration se fait donc via le logiciel de paie en cochant, pour les salariés concernés, le(s) facteur(s) qui leur correspond(ent).
Quand mettre à jour son DUERP ?
La création du Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels ne suffit pas. Il doit bien évidemment être mis à jour. En dehors de la mise à jour annuelle, voici les cas qui pourraient vous obliger à le revoir :
- lorsqu’un nouvel aménagement modifie les conditions de travail ou impacte la santé ou la sécurité de vos salariés (modification des équipements/de l'outillage, utilisation de nouveau produit potentiellement dangereux ou modification de l'organisation du travail...)
- dès lors qu'un nouveau risque est évalué dans une unité de travail ( suite à la survenue d'accidents du travail, l’apparition de maladies professionnelles...)
DUERP et Covid-19
Au-delà du risque de propagation du virus et des mesures que vous avez dû prendre en compte pour l’éviter, vous avez certainement dû faire des aménagements profonds impactant tous les collaborateurs de l’entreprise et soulevant peut-être de nouveaux risques. |
Qu’est-ce que la “faute inexcusable de l’employeur” en cas d’absence de DUERP ?
En cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’absence de DUERP, conjuguée à des mesures insuffisantes de prévention, peut entraîner la mise en cause de la responsabilité de l’employeur à travers la notion de “faute inexcusable” de l’employeur.
Voici quelques exemples de cas pour lesquels la faute inexcusable a été retenue :
- la chute d'un salarié du haut d'un échafaudage présentant des défauts de sécurité (garde-corps non continu, et vide entre son plancher et la façade de l’immeuble,
- un ouvrier blessé en chutant après être monté sur un muret, sans directive en ce
sens, - la chute du salarié d'un garage automobile en glissant dans l'eau savonneuse occasionnée par le lavage d'un véhicule dans un endroit non aménagé à cet effet.
La faute inexcusable de l’employeur est présente dans le droit de la sécurité sociale. L’employeur doit avoir conscience des dangers et des risques auxquels est exposé son salarié et doit prendre les mesures nécessaires pour l’en protéger. La reconnaissance de cette faute inexcusable impacte les niveaux d’indemnisation prévus pour le salarié ayant subi des dommages. Si l’arrêt de travail est de plus de 3 mois et si la faute inexcusable est reconnue, la responsabilité de l’employeur devient pénale et les sanctions sont très lourdes : jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende selon l’article 221-6 du code pénal.
Comment le DUERP peut augmenter la performance d'une entreprise ?
Comme pour d’autres démarches obligatoires, le DUERP peut être vu comme une contrainte qui vient s’empiler aux autres.
Pourtant, tout chef d’entreprise sait que lorsque l’un de ses salariés est victime d’un accident du travail ou d’une maladie, le fonctionnement de la société est perturbé : la capacité de production diminue et l’entreprise se prive d’une compétence. Ce qui entraîne des coûts parfois considérables liés à :
- des retards dans la production/livraison,
- une baisse d’activité,
- l’impossibilité de réaliser certaines tâches,
- le recrutement dans l’urgence ou le recours à l’intérim,
- sans oublier l’impact sur l’image de l’entreprise auprès de ses clients ou de futurs candidats.
Ainsi le DUERP peut être vu comme l’opportunité pour l’entreprise de mettre en place des solutions efficaces pour améliorer la sécurité et les conditions de travail de ses salariés. La performance d’une entreprise dépend grandement de l’humain. La motivation, l’implication et le bien-être de ses salariés constituent son principal levier interne de compétitivité.
Pourquoi le DUERP est-il en sursis ?
En août 2018, le rapport "Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée" a été remis au gouvernement par la députée Charlotte Lecocq. Ce rapport met clairement en sursis le DUERP : sa suppression y est réclamée, afin de passer d’une logique de “document unique à celle de document utile”. Mais en attendant, il reste obligatoire et le risque de faute inexcusable de l’employeur demeure réelle.
Article rédigé avec la participation d'Edwige Valour, Chef de produit ISAPAYE chez AGIRIS entreprises
Sources :
https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares_indicateurs_prevention_risques_professionnels_2016.pdf
http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%20887
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000006178066&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20090528
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15504
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006073189 ou https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=58395C57028AB9D175D0347E5308C10D.tplgfr26s_3?idSectionTA=LEGISCTA000028076734&cidTexte=LEGITEXT000006073189&dateTexte=20200221
https://www.juritravail.com/Actualite/document-unique-evaluation-risques-professionnels/Id/200881
Sommaire

Comment faire une fiche de paie ?

Modifier une fiche de paie : pourquoi, quand et comment ?
